Nullité du licenciement pour fautes graves d’un développeur PHP, de REGIME COACH suite à des actes harcèlement moral (CPH Paris, Encadrement- Départage 20 juillet 2016)

Maître Frédéric CHHUM est l’avocat du salarié, Développeur PHP de la société REGIME COACH.

1) Les faits et circonstances de la rupture

Monsieur X a été engagé par REGIME COACH à compter du 4 avril 2011, en qualité de Développeur PHP, statut non cadre.

La Société REGIME COACH assure un service de coaching en ligne aux internautes souhaitant maigrir avec la méthode du Docteur Pierre DUKAN. Elle a liquidée judiciairement le 4 mars 2015.

Au 1er janvier 2012, du fait de son implication et de la qualité de son travail, et sur recommandation de sa supérieure hiérarchique, Monsieur X a été promu Cadre.

Les deux Services Informatiques ayant fusionné, Monsieur X. va alors être rétrogradé au poste de Responsable de production et va commencer à subir des pressions constantes de la part de Monsieur M., et à souffrir de ses méthodes managériales extrêmes.

Monsieur X a dénoncé, par un e-mail du 22 avril 2013, ses conditions de travail aux délégués du personnel de REGIME COACH.

Par courrier en date du 23 avril 2013 reçu le 26 avril, Monsieur X a été convoqué a un entretien préalable à un licenciement. L’entretien préalable s’est déroulé le 13 mai 2013.

Monsieur X s’est vu notifier son licenciement pour fautes graves par courrier daté du 27 mai 2013, qu’il a contesté fermement par un courrier, puis par l’intermédiaire de son avocat.

Le 19 juin 2013, Monsieur X saisissait le Conseil de prud’hommes de Paris d’une demande en nullité de son licenciement en raison du harcèlement moral managérial qu’il avait subi.

2) Jugement du CPH de Paris du 20 juillet 2016 : nullité du licenciement pour fautes graves suite à des actes de harcèlement moral

Par jugement du 20 juillet 2016, le Conseil de prud’hommes a condamné la société REGIME COACH, pour harcèlement moral et prononcé la nullité du licenciement pour fautes graves.

Tout d’abord, le Conseil de prud’hommes rappelle qu’aux termes de l’article L 4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Par ailleurs, l’article L 1152-1 dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

A cet égard, conformément aux dispositions de l’article L 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement.

En premier lieu, le Conseil de prud’hommes indique qu’ « il n’est pas fait état de mesures à l’encontre de Monsieur X laissant présumer de l’existence de faits de harcèlement moral mais d’une méthode de management brutale ».

Le Conseil de prud’homme s’appuie, en l’espèce sur les attestations produites par les collègues de Monsieur X et relève que :

« Après avoir effectué une réorganisation du service Système informatique, Monsieur M. aurait exercé des pressions quotidiennes sur l’équipe de Monsieur X. par la tenue de propos vexatoires et agressifs, par des réflexions répétées sur les horaires de travail, des sujets de réunions vagues, des directives orales contraires .

Par ailleurs, Monsieur M. aurait remis en cause le travail mis en place par Monsieur X. pour pallier l’absence de Madame O. partie en congés maternité, et l’aurait également dénigré à son insu auprès du service informatique.

La compagne de Monsieur X atteste de la difficulté qu’il avait à prendre des congés depuis l’arrivée de Monsieur M., les congés étant validés au dernier moment.

Monsieur X. a d’ailleurs averti les délégués du personnel dans un mail du 22 avril 2013sur la validation tardive et la remise en question des congés.

Monsieur X. soutient avoir subi une pression extrême de la part de Monsieur M. sur certains projets, et être allé consulter avec d’autres collègues la médecine du travail afin de dénoncer ses agissement en janvier 2013.

A cette occasion, Madame C, ancienne Responsable juridique aux ressources humaines, atteste que Monsieur M. « a dit vouloir « dégommer » Monsieur X. s’il allait voir le médecin du travail et dit « qu’il allait lui régler ça et lui faire la peau » ».

Enfin Monsieur X. prétend avoir eu une charge de travail extrêmement importante et il produit les échanges de courriels avec Monsieur M. relatifs à l’organisation d’une réunion qui requerrait la production de nombreux documents dans un court délai. La surcharge de travail s’est également accrue avec la fin des périodes d’essai et la fin d’un contrat de professionnalisation au sein du service.

Monsieur X. a donc alerté les délégués du personnel dans un mail du 22 avril 2013 sur cette situation de surcharge au travail.

En second lieu,  Monsieur X. fait valoir que Monsieur M. avait un comportement agressif et tenait des propos vexatoire à son encontre.

Madame A. atteste que Monsieur M. tenait des propos vexatoires et proférait des menaces à l’encontre de l’équipe TMA et plus particulièrement de Monsieur X.

Un autre collègue atteste des propos diffamatoires que Monsieur M. tenait à l’encontre de l’équipe TMA, les rendant responsables de l’ensemble des dysfonctionnements informatiques rencontrés dans le service.

Il ressort des attestations des anciens collègues de Monsieur X. que Monsieur M. a menacé quotidiennement les collaborateurs de l’équipe TMA. Il a proféré des menaces de licenciement et des menaces physiques.

En dernier lieu, Monsieur X. fait valoir que l’ensemble de l’équipe TMA dont il faisait partie a subi une différence de traitement exercée par Monsieur M. au regard des primes et augmentations.

Selon Monsieur D. et la compagne de Monsieur X, Monsieur M. a augmenté l’intégralité du service informatique sauf les personnes faisant partie de l’ancienne équipe TMA dirigée par Madame O. et reprise par Monsieur X.

Enfin Monsieur X. soutient qu’il a subi une détérioration de son état de santé physique et psychique du fait du comportement de Monsieur M, entrainant une succession de malaises et une prescription d’anxiolytiques et de somnifères.

En second lieu, le Conseil de prud’hommes constate qu’ « il est établi par les pièces produites par Monsieur X que ce dernier a subi des agissements répétés, résultant de la méthode managériale mise en œuvre par Monsieur M. et consistant à exercer des pressions à l’égard du salarié, à le dénigrer et à proférer des menaces, qui ont conduit à une dégradation de son état de santé. »

Par ailleurs, le juge départiteur indique que «le dernier temps du harcèlement s’est révélé au travers de la lettre du licenciement notifié du 27 mai 2013 », avec une reprise des éléments de cette lettre.

Le Conseil de prud’hommes, déduit des termes de cette lettre que : « Les faits, sous leurs deux aspects, qui sont reprochés au salarié sont la conséquence directe d’une surcharge de travail.

La société soutient avoir pris les mesures nécessaires pour remédier à cette surcharge et avoir apporté son soutien au salarié et à son équipe mais elle n’en apporte pas la preuve.

Ce licenciement se rattache donc directement aux faits de harcèlement dénoncés par le salarié et il doit être annulé »

Enfin, le Conseil juge alors qu’ « il convient d’accorder au salarié la somme de 3.000 euros à titre d’indemnisation du préjudice causé par les agissements de harcèlement moral »

En effet, il résulte des dispositions des articles L 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail qu’est nul le licenciement prononcé au motif que le salarié a subi ou a refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.

Le Conseil indique que :

« le licenciement prononcé pour faute grave est nul lorsque ces fautes sont la conséquence d’agissement constitutifs de harcèlement moral.

Par conséquent, le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur X est nul »

Le Conseil de prud’hommes énonce que « le salarié victime d’un licenciement nul qui ne réclame pas sa réintégration, a droit, quelle que soit son ancienneté, d’une part, aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à 6 mois de salaire »

Il résulte donc que « Monsieur X a subi un préjudice moral, professionnel et économique du fait de son licenciement, conséquence de son harcèlement »

Le Conseil de prud’hommes accorde au salarié 19 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite.

3) Condamnations de la société REGIME COACH

Le Conseil de Prud’hommes condamne la société Régime Coach à verser au salarié :

  • 9.481 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis;
  • 948 euros au titre des congés payés ;
  • 2.264 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
  • 19.000 au titre des dommages et intérêts du fait du caractère illicite du licenciement
  • 3.000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral
  • 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile.

Au total, le salarié obtient 36.194 euros bruts.

Ces sommes sont mises au passif de la procédure judiciaire car la société Régime Coach a été liquidée.

Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)

. Paris : 4 rue Bayard 75008 Paris - Tel: 01 42 56 03 00 ou 01 42 89 24 48
. Nantes : 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes -  Tel: 02 28 44 26 44

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