Dénonciation d'un harcèlement moral : le salarié n’encourt pas de poursuites pour diffamation (c. cass. civ. 1ère 28 sept. 2016, n°15-21823)

Dans un arrêt du 28 septembre 2016, la cour de cassation rappelle qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1152-2, L. 4131-1, alinéa 1er, du code du travail et 122-4 du code pénal que les salariés sont autorisés par la loi à dénoncer, auprès de leur employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont ils estiment être victimes.

1) Les considérants de la cour de cassation

La Cour de cassation rappelle que :

  • Selon une jurisprudence constante, les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec l'intention de nuire (Crim., 19 novembre 1985, pourvoi n° 84-95.202, Bull. Crim. 1985, n° 363 ; 2e Civ., 24 février 2005, pourvoi n° 02-19.136, Bull. Civ. 2005, II, n° 48).
  • Si la partie poursuivie pour diffamation a la faculté d'offrir la preuve de la vérité des faits diffamatoires, conformément à l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, cette offre de preuve est strictement encadrée par l'article 55 de la même loi- si cette partie a encore la possibilité de démontrer l'existence de circonstances particulières de nature à la faire bénéficier de la bonne foi, il lui appartient d'en rapporter la preuve, laquelle suppose de justifier de la légitimité du but poursuivi, de l'absence d'animosité personnelle, de la prudence dans l'expression et de la fiabilité de l'enquête (2e Civ., 27 mars 2003, pourvoi n° 00-20.461, Bull. Civ. 2003, II, n° 84) ;
  • la croyance en l'exactitude des imputations diffamatoires ne suffit pas, en revanche, à reconnaître à leur auteur le bénéfice de la bonne foi.
  • ces exigences probatoires sont de nature à faire obstacle à l'effectivité du droit, que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a reconnu au salarié, de dénoncer, auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont il estime être victime ;

    Que, dès lors, la relation de tels agissements, auprès des personnes précitées, ne peut être poursuivie pour diffamation ;

    Toutefois, lorsqu'il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue.

2) Harcèlement moral : le salarié n’encourt pas de poursuite pour diffamation

Madame X a exercé les fonctions d'employée polyvalente au sein des cuisines d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dont le marché de restauration avait été repris, en 2010, par la société Dupont restauration (la société).

Soutenant avoir été victime de harcèlement moral de la part de MM. Y... et Z..., exerçant, respectivement, les fonctions de chef de cuisine et de chef de section, elle a envoyé, le 28 décembre 2010, au directeur des ressources humaines de la société, une lettre dénonçant ces faits, dont elle a adressé une copie au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et à l'inspecteur du travail.

Estimant que les propos contenus dans cette lettre étaient diffamatoires à leur égard, la société et MM. Y... et Z... ont assigné Mme X..., sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, pour obtenir réparation de leurs préjudices.

Pour accueillir les demandes de MM. Y... et Z..., la Cour d’appel retient que, si les articles L. 1152-1 et suivants du code du travail ont instauré un statut protecteur au bénéfice du salarié qui est victime de harcèlement moral, ces dispositions n'édictent pas une immunité pénale au bénéfice de celui qui rapporte de tels faits au moyen d'un écrit, de sorte que son rédacteur est redevable, devant le juge de la diffamation, de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l'honneur ou à la considération des personnes qu'elles visent.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris.

Qu'en statuant ainsi, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel car elle considère que cette dernière a violé les textes susvisés ; la cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 8 janvier 2014.

L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles.

Cet arrêt est publié au bulletin des arrêts de la cour de cassation.

Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)

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