Peut on employer valablement des intermittents du spectacle en portage salarial

La loi du 25 juin 2008 a légalisé le portage salarial. Pourtant, les règles juridiques relatives au portage salarial ne sont pas claires. On peut notamment s'interroger sur la légalité de l'emploi de salariés artistes et techniciens, intermittents du spectacle, par des sociétés de portage. Une clarification législative s'impose.

1) Définition du portage salarial

Le portage salarial a été défini par l'article 8 de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail reprenant les termes de l'article 19 de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008. Il s'agit d'une relation triangulaire entre une société de portage, un salarié, le « porté », et une entreprise cliente.

Le portage salarial se caractérise par :

* La prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix par le porté ;

* La fourniture des prestations par le porté à l'entreprise cliente ;

* La conclusion d'un contrat de prestation de services entre le client et la société de portage ;

* Et la perception du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse un salaire au porté dans le cadre d'un contrat de travail.

2) L'accord du 24 juin 2010 et les recommandations de la circulaire UNEDIC du 7 novembre 2011 et de la lettre du Ministère de la Culture du 27 août 2012

Afin devenir préciser les termes de l'article 8 de la loi du 25 juin 2008, un accord relatif à l'activité de portage salarial a ensuite été signé le 24 juin 2010, par le PRISME, organisation employeur du travail temporaire, et quatre des cinq organisations syndicales représentatives au plan national et interprofessionnel.

Cet accord (non étendu et donc non applicable à ce jour) précise, notamment, que la société doit exercer de manière exclusive l'activité de portage salarial.

Cette préconisation a été reprise par une circulaire UNEDIC du 7 novembre 2011, ainsi que dans une lettre du Ministère de la Culture du 29 août 2012.

A cet égard, cette lettre ajoute que dans le cas d'une entreprise qui dispose d'une licence d'entrepreneur de spectacles vivants, au titre d'une réelle activité de production, cette licence ne peut valoir pour autrui, ce qui est le cas si cette entreprise exerce une activité de portage.

Cette lettre précise également qu' « à cet égard, il [...] est demandé [aux préfets de région] d'examiner avec la plus grande attention les dossiers de renouvellement de licence qui feraient apparaître une grande diversité d'activités, une disproportion entre la programmation réalisée et les déclarations sociales présentées, et une programmation incertaine ».

Il ressort de ces textes qu'une société de production de spectacles ne peut pas, en principe, exercer, parallèlement, une activité de portage salarial.

Cependant, ces textes n'ont pas, pour le moment, force obligatoire.

Aussi, il semble possible pour les sociétés de production de maintenir une activité de portage salarial, tant que l'accord du 24 juin 2010 n'est pas étendu et/ou qu'une loi est votée en ce sens, mais cette solution reste cependant risquée, car la DRAC pourrait refuser aux sociétés de production le renouvellement de leurs licences d'entrepreneur de spectacles.

3) Le portage salarial comme activité exclusive : l'impossibilité d'employer des ouvriers et techniciens du spectacle ?

Il ressort des textes précités que les sociétés de portage salarial doivent désormais avoir pour unique activité le portage salarial, et donc avoir un objet social et un Code NAF correspondant à cette activité.

Par conséquent, les sociétés de portage salarial pourront, désormais, embaucher uniquement des artistes (Annexe 10 à la Convention d'assurance-chômage), mais elles ne peuvent plus embaucher d'ouvriers et de techniciens du spectacle (Annexe 8 à la Convention d'assurance-chômage).

3.1) Incompatibilité entre l'activité de portage salarial et l'embauche d'ouvriers et techniciens du spectacle

En effet, les techniciens du spectacle, pour percevoir leurs allocations chômage, doivent justifier avoir travaillé pour une Société possédant un code NAF spécifique, relevant de la production audiovisuelle, à la radiodiffusion, à l'édition musicale ou audiovisuelle ou encore aux arts du spectacle vivant. Il s'agit notamment des codes NAF suivants : 59.11 B, 59.20 Z, 60.10 Z, 60.20 A, 90.02 Z.

Or, comme le rappellent l'accord du 24 juin 2010 et la circulaire UNEDIC du 7 novembre 2011, une Société de portage salarial doit exercer de manière exclusive une activité de portage salarial. Elle ne peut donc pas avoir un code NAF correspondant aux activités citées ci-dessus.

Il y a donc une incompatibilité entre la qualité d'ouvrier ou de technicien du spectacle (Annexe 8) et leur embauche par des sociétés de portage salarial.

Si certaines sociétés, dont l'activité déclarée est la production, mais dont l'activité effective est le portage salarial, emploient jusqu'à présent des ouvriers et techniciens du spectacle sous un Code NAF relevant des sociétés de production (audiovisuel, spectacle), un tel « montage » semble aujourd'hui risqué, compte tenu des règles en vigueur et dans l'hypothèse de l'extension de l'accord du 24 juin 2010 par le Ministre du travail.

3.2) L'embauche d'artistes du spectacle soumise aux prescriptions de la circulaire UNEDIC du 7 novembre 2011

Dans l'état actuel du droit, les sociétés de portage salarial ne pourront engager que des artistes (Annexe 10) et ne pourront plus « porter » d'ouvriers et techniciens du spectacle (Annexe 8). En outre, les artistes faisant appel à une société de portage salarial devront être indépendants dans leur activité, notamment ils devront définir eux-mêmes leurs prestations de spectacle et remplir les conditions de rémunération, d'expertise et d'autonomie de négociation de leurs prestations.

De surcroît, afin que les artistes « portés » soient éligibles aux allocations chômage du spectacle, les sociétés de portage salarial devront respecter les critères de la circulaire UNEDIC du 7 novembre 2011 ; les salariés devront notamment bénéficier du statut Cadre, ainsi que d'une rémunération minimale de 2.900 euros bruts mensuels sur la base d'un temps plein.

Frédéric CHHUM Avocat à la Cour 4, rue Bayard 75008 Paris

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