Requalification des CDD en CDI d’un journaliste de Télérama (CPH Paris 10 sept. 2015)

I) Les faits

Monsieur X a été engagé pour la première fois par TELERAMA en qualité de « Secrétaire de Rédaction », le 26 avril 2011, dans le cadre d’un CDD de remplacement partiel de Monsieur C, Chef d’Edition.

Monsieur X a ensuite été engagé dans le cadre de CDD successifs pour remplacement de salarié absent et pour accroissement temporaire d’activité.

Dans le cadre de chacun des contrats, Monsieur X était employé en qualité de « Secrétaire de Rédaction ».

En qualité de journaliste, Monsieur X exerçait les fonctions de secrétaire de rédaction et était Responsable au sein de TELERAMA, sous l'autorité du rédacteur en chef Edition, de la réalisation des magazines presses.

1)         Conditions de sa collaboration avec TELERAMA

D’avril 2011 à mai 2015, Monsieur X a conclu plus de 60 CDD avec TELERAMA dont 6 CDD pour accroissement temporaire d’activité, le reste étant des CDD de remplacement de salariés absents.

Le tableau synthétique ci-dessous résume la collaboration de Monsieur X avec TELERAMA :

Année

Nombre de jours travaillés

Nombre d’heures payées (bulletins de paie)

2015

 

34

315,67

2014

90

535,14

2013

170

1.494,54

2012

140

1.006,81

26 avril – 31 décembre 2011

72

561,60

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2) Circonstances du litige : 11 mai 2015 : Monsieur X demande la régularisation de sa situation au sein de TELERAMA

Par lettre recommandée du 11 mai 2015 adressée à Madame W, Monsieur X réclamait la régularisation de sa situation au sein de TELERAMA du fait de manquements commis par TELERAMA à l’égard de Monsieur X, et notamment :

  • L’illicéité de ses CDD ;
  • La discrimination dont il a été l’objet dans le cadre de sa candidature au poste de Secrétaire de Rédaction.

TELERAMA répondait par lettre recommandée en rejetant tous les arguments de Monsieur X et en prétendant qu’aucun manquement n’avait été commis à son égard.

II) Le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 10 septembre 2015

Dans un jugement prononcé le 10 septembre 2015, le Conseil de prud’hommes de Paris a requalifié les CDD en CDI du Journaliste ; le Conseil a également considéré que la rupture la relation contractuelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le Conseil de prud’hommes de Paris a particulièrement motivé son jugement ; il a jugé que :

« (…) En l’espèce, les éléments versé aux débats par la société TELERAMA elle-même témoignent que cette dernière a eu recours de plus en plus fréquemment aux contrats à durée déterminée aux postes de secrétaire de rédaction malgré le fait que le besoin de secrétaires de rédaction n’ait pas sensiblement varié (13,02 équivalent temps plein en 2011 et 13,47 équivalent temps plein en 2014).

Le nombre de secrétaires de rédaction en contrat à durée déterminée équivalent temps plein passait en effet de 2,09 en 2011 à 4,45 en 2014 tandis que le nombre de secrétaires de rédaction en CDI équivalent temps plein reculait de 10,93 en 2011 à 9,02 en 2014.

Alors que 3 secrétaires de réfaction employés à temps plein sous CDI cessaient de faire partie des effectifs, la société TELERAMA ne procédait qu’à une seule embauche sous ce type de contrat en 2015 et préférait recourir massivement à des contrats à durée déterminée.

Or, la société TELERAMA ne rapporte pas la preuve qu’un accroissement d’activité justifiant le recours à des contrats à durée déterminée, la seule évocation de la publication de numéros spéciaux ou hors série ne permettant pas de caractériser un surcroît d’activité.

Par ailleurs, pendant 4 années consécutives et quelque soit le remplacement assuré à l’occasion des quelque 60 CDD conclus, Monsieur X avait occupé le même emploi de secrétaire de rédaction, pour des durées par fois limitées mais répétées à bref intervalle. Le nombre de contrats à durée déterminée de remplacement dans les postes de secrétaire de rédaction était important, la société TELERAMA recourant à plusieurs autres personnes pour assurer ces remplacements. Le recours au contrat à durée déterminée avait été progressivement en mode normal de gestion de la main d’œuvre de rédaction. (…)

En l’espèce, il importe peu que les remplacements de salariés absents puissent être autorisés, sans délai de carence par l’article L. 1244-1 du code du travail, alors que cette régularité d’un besoin de remplacement entrainerait un renouvellement systématique des engagements conclus avec l’intéressé ou avec d’autres salariés pur l’exercice des mêmes fonctions de secrétaires de rédaction.

Cette situation traduisait un sous-effectif permanent et impliquait que le recours à ce type de contrat dérogatoire du droit commun avait, en réalité, pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, comme le corrobore la succession des contrats précités.

Monsieur X est donc bien fondé à considérer qu’il occupait dans la société TELERAMA un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. En revanche, il ne démontre pas qu’il y ait occupé un poste à temps complet, ni même qu’il ait été à la disposition permanente de son employeur. 

Le demandeur est donc fondé par conséquent à considérer d’une part que ses contrats à durée déterminée successifs doivent requalifiés en contrat à durée indéterminée, qu’en le maintenant abusivement dans une situation de précarité, son employeur a manqué gravement à ses obligations contractuelles, d’autre part que le fait par l’employeur d’interrompre ainsi la succession de contrats constitue en réalité un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, le décompte des heures fourni par Monsieur X ne mentionnant, ni les heures de début de service, ni les heures de fin de service ne constitue pas un élément de nature à étayer sa demande de paiement d’heures supplémentaires. L’intéressé est débouté de sa demande d’heures complémentaires de travail alléguées. (…) »

Le Conseil de prud’hommes condamne TELERAMA à payer au journaliste :

- 1438,08 euros à titre d'indemnité de Requalification ;

- 2876,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-  287,61 euros pour les Congés Payés ;

- 6.476,36 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 8.628,48 euros à titre de dommages intérêt  pour LSCRS ;

- 500 euros au titre de l'article 500.

Les parties peuvent faire appel dans un délai d’un mois.

Frédéric CHHUM Avocat à la Cour

4, rue Bayard 75008 Paris

Tél : 01 42 89 24 48 Ligne directe : 01 42 56 03 00

e-mail : chhum@chhum-avocats.com

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