Harcèlement au départ négocié - Pressions d’un employeur pour contraindre un salarié à accepter un départ négocié = harcèlement moral = nullité du licenciement (CA Paris 12 fév. 2025)

Dans un arrêt du 12 février 2025 (RG 21/03924), la Cour d’appel de Paris juge que des pressions pour contraindre une salariée responsable transport et logistique à négocier un départ constituent un harcèlement moral.

La salariée produisait un enregistrement sonore de l'entretien du 25 septembre 2019 dont il résulte que l'employeur avait affirmé sa volonté de rompre son contrat de travail, indiquant qu'il n'y avait pas d'autres solutions et que l'employeur peut " faire ce qu'il veut chez lui ", ainsi qu'un courriel du 3 octobre 2019 aux termes duquel elle acceptait la rupture.

La Cour d’appel de Paris juge dès lors que le licenciement pour absences répétées, consécutif à ce harcèlement moral est nul.

Il octroie 3000 euros à la salariée pour harcèlement moral.

Par ailleurs, la salariée obtient une indemnité de 14 000 euros pour licenciement nul.

1.1) Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

 Selon l'article L. 1152-2 du même code, aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article L. 1121-21, qui vise notamment le licenciement.

L'article L. 1152-3 sanctionne par la nullité toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2.

L'article L.1154-1 de ce code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, le juge doit examiner les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier souverainement si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à un harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

En l'espèce, Madame X soutient qu'elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral dès lors qu'elle a fait l'objet de pressions pour la contraindre à accepter un départ négocié, son employeur lui ayant fait comprendre le 23 septembre 2019, à son retour d'arrêt maladie, qu'elle n'avait plus sa place dans l'entreprise en raison de ses absences répétées et qu'un recrutement était en cours, qu'elle a subi deux contre-visites médicales abusives, et que la décision de suspension de ses indemnités sans nouveau contrôle est illicite.

En premier lieu, s'agissant du grief tiré de pressions pour la contraindre à accepter un départ négocié, la salariée produit un enregistrement sonore de l'entretien du 25 septembre 2019 dont il résulte que l'employeur avait affirmé sa volonté de rompre son contrat de travail, indiquant qu'il n'y avait pas d'autres solutions et que l'employeur peut " faire ce qu'il veut chez lui ", ainsi qu'un courriel du 3 octobre 2019 aux termes duquel elle acceptait la rupture.

Les pressions alléguées sont ainsi établies.

En second lieu, s'agissant du grief tiré de l'organisation de contre-visites médicales abusives au regard de leur contexte, il ressort des éléments produits :

- en ce qui concerne la visite du 6 novembre 2019, que la salariée était ce jour hospitalisée pour une éventration ;

- en ce qui concerne la visite du 20 novembre 2019, que son fils avait été hospitalisé dans un état de coma à la suite d'un accident de la circulation une semaine auparavant, ce dont son employeur avait été informé, et ce qui nécessitait la présence quotidienne de sa mère à ses côtés selon le certificat médical établi le 21 novembre 2019.

Si l'organisation d'une première visite de contrôle le 6 novembre 2019 ne peut être regardée comme abusive, dès lors que l'employeur n'avait pas été informé de l'hospitalisation de l'intéressée, il ressort des éléments produits que l'absence de la salariée à son domicile à cette date était ainsi justifiée.

Dès lors, il est établi que l'organisation d'une visite le 20 novembre 2019, alors que la première absence était justifiée et que l'employeur était informé de l'accident subi entre-temps par le fils de la salariée, notamment au regard des échanges de sms montrant que Madame X a indiqué le 13 novembre que son fils se trouvait toujours dans le coma et devait subir une nouvelle opération, était abusive. Il en va de même de la suspension des indemnités versées à l'intéressée à la suite de ce contrôle.

Les éléments produits par Madame X établissent donc la matérialité des faits allégués en ce qui concerne la seule visite du 20 novembre 2019.

Il en résulte que les éléments ainsi présentés par Madame X, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'existence d'agissements constitutifs de harcèlement étant donc présumée, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En premier lieu, s'agissant du grief relatif aux pressions en vue d'une rupture conventionnelle, l'employeur se borne à en contester la matérialité et à se prévaloir de ce que cette rupture n'a finalement pas eu lieu.

Les éléments produits par l'employeur ne permettent donc pas d'établir que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement En deuxième lieu, s'agissant de la visite de contrôle du 20 novembre 2019 et de la suspension des indemnités complémentaires, la société ne produit aucun élément de nature à prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral.

Dans ces conditions, les éléments produits par l'employeur ne permettent donc pas d'établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral allégué est ainsi caractérisé et le jugement doit être infirmé.

Par suite, le licenciement de Madame X, qui intervient dans le cadre de ce harcèlement moral, doit, en application des dispositions précitées de l'article L. 1152-3 du code du travail, être annulé.

Le harcèlement moral sera indemnisé, au vu de sa durée et de ses circonstances, par des dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euros.

 Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/harcelement-rupture-conventionnelle-pressions-employeur-36916.htm

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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