Accident du travail : l’accident du travail d’un opérateur de contrôle de la RATP reconnu par la Cour d’appel de Paris (CA Paris 27 oct. 2023, non def.)

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Dans un arrêt du 27 octobre 2023 (Pole 6 Chambre 13), la Cour d’appel de Paris reconnaît l’accident du travail d’un opérateur de contrôle de la RATP.

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Il sera rappelé que la RATP dispose d'un régime spécial de sécurité sociale régi par le décret n° 2004-174 du 23 février 2004 modifié par le décret n° 2014 - 1538 du 18 décembre 2014 et par le décret n° 2015-1181 du 30 décembre 2015 ayant réformé le système spécial de sécurité sociale mis en place depuis 1950 et a organisé la caisse de coordination aux assurances sociales.

L'article 4 du décret du 23 février 2004 dispose qu’il est institué une caisse de coordination aux assurances sociales de la régie autonome des transports parisiens chargée de la couverture des risques maladie maternité invalidité décès accident du travail et maladies professionnelles.

La CCAS de la RATP dispose de statuts dont elle s’est dotée en application de l’article 7 du décret précité ainsi que d'un règlement intérieur et il appartient aux juridictions de faire application des dispositions spécifiques régissant ce régime spécial de sécurité sociale.

Ce faisant, l'article 75 de son règlement intérieur est une transposition à droit constant par le régime spécial de sécurité sociale de la RATP, de la règle de principe édictée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale selon laquelle « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise » et de la présomption d'imputabilité qui en découle, l’article 79 du même Règlement précisant que « l’accident survenu à un agent, au temps et au lieu du travail, est présumé comme imputable au service. Cette présomption est simple. La preuve contraire peut donc être rapportée par la Caisse ».

L'accident du travail est ainsi légalement caractérisé par la réunion de trois éléments :

 - un fait accidentel, c'est-à-dire que l'accident repose sur la survenance d'un événement qui n'a pas nécessairement les caractéristiques d'un fait soudain, la soudaineté pouvant s’attacher soit à l’événement, soit à la lésion, mais dont la date est certaine, cette exigence ayant pour but d'établir une distinction fondamentale entre l'accident et la maladie laquelle est normalement le résultat d'une série d'événements à évolution lente et ne doit pas être rattachée au risque accident du travail,

 - une lésion corporelle : c’est-à-dire que l'accident doit porter atteinte à l'organisme humain, physiquement ou psychiquement, peu important l'étendue et l'importance de la lésion ainsi que ses caractéristiques ;

 - un lien avec le travail c’est-à-dire que l'accident doit être survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; cela ne signifie pas toutefois que l'accident doive se dérouler sur le lieu et durant le temps de travail mais si tel est le cas, l'accident survenu au temps et au lieu de travail est présumé d'origine professionnelle.

La survenance de l'accident aux temps et lieu de travail a pour effet de le présumer imputable au travail, sauf preuve contraire d'une cause totalement étrangère au travail.

Néanmoins, il appartient à celui qui invoque le jeu de la présomption d’établir au préalable les circonstances exactes de l'accident autrement que par de simples affirmations et de prouver que la lésion est apparue au temps et au lieu de travail.

A défaut de présomption d'imputabilité, il appartient à la victime d'apporter la preuve, par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes, au sens de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

 - de la matérialité du fait accidentel,

- de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail,

- du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel,

les seules affirmations de la victime non corroborées par des éléments objectifs étant insuffisantes.

 Il est constant en l’espèce que M. X était employé en qualité d’opérateur de contrôle au sein de la RATP.

Une déclaration d'accident du travail a été établie le 23 octobre 2018 par l'employeur, laquelle faisait état d'un accident survenu la veille dans les circonstances suivantes : « l'agent déclare

: un voyageur m'est rentré dedans violemment, à foncer sur ma collègue et avec un autre collègue l'avons maîtrisé, ce qui m'occasionne des douleurs à l'avant-bras et à l'épaule droite ».

 Le jour des faits, le 22 octobre 2018, les horaires de travail de M. X étaient de

11 heures 45 à 19 heures 19. La déclaration d'accident du travail enseigne que l’accident contesté se serait produit à 13 heures 30, c’est-à-dire dans le temps du travail.

Il n’est pas contesté par ailleurs que M. X se trouvait sur son lieu de travail au moment du fait accidentel allégué.

S’agissant du fait accidentel, il résulte des déclarations de M. X devant les services de police qu’étant en mission de contrôle des titres de transports, il a été amené à contrôler un individu lequel, après avoir indiqué qu’il n’en disposait pas, a profité de l’ouverture d’une porte de sortie pour s’enfuir, le bousculant à l’épaule droite pour y parvenir.

Ces déclarations ont été maintenues au cours de l’enquête administrative et, contrairement à ce que soutient la Caisse, ses explications n’ont pas varié.

Si, comme le relève la Caisse, aucun témoin n’évoque une agression dans l’acception habituelle qui peut être donnée à ce terme, tous confirment l’existence d’une bousculade ou, à tout le moins, d’un contact physique entre le contrevenant et M. X. M. T. atteste ainsi que le client « pousse alors la porte confort, dans le même instant, mon binôme civil

[M. X] ainsi que M. P. le maîtrise avec la force juste et nécessaire » ce que M. P. confirme en attestant que « suite au comportement du client, Monsieur X rattrape le client en le maîtrisant par derrière ». Pour sa part, Mme L. précise que « le client a été maîtrisé par X (...) qui a été blessé à l'épaule et avant-bras droit ». Enfin, il n’est pas sans intérêt de rappeler que M. X s'est rendu au centre hospitalier immédiatement après les faits afin d'être examiné.

Le certificat médical initial établi le jour même des faits par le centre hospitalier de Neuilly établit la réalité des lésions, à savoir « des douleurs de l'épaule droite avec accentuation à la mobilisation active en élévation et en abduction ; douleur de l'avant-bras droit ; douleurs des orteils du pied droit sur les extrémités, avec érythème sur les 3è et 4è orteil », lesquelles sont parfaitement compatibles avec la version des faits donnée par M. X.

Il est établi de surcroît que l'accident a été connu par l'employeur immédiatement après les faits d’autant que deux préposés ont transporté M. X à l’hôpital.

Il résulte ainsi de ce qui précède un ensemble d’éléments graves, précis et concordants attestant de la survenance d'un événement soudain, imprévu, consistant en une bousculade, survenu à une date certaine, le 22 octobre 2018 à 13 heures 30, par le fait ou à l'occasion du travail, connu immédiatement de l'employeur et constaté par plusieurs témoins, dont il est résulté immédiatement une lésion corporelle, à savoir un traumatisme à l’épaule droite, médicalement constatée.

Dès lors, dans ses rapports avec la Caisse, M. X établit la matérialité de l'accident au temps et au lieu du travail, de sorte que la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer, présomption que la Caisse ne peut renverser qu’en démontrant que la lésion constatée a résulté exclusivement d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou d'une cause totalement étrangère au travail étant rappelé que la présomption demeure lorsque l'accident a pour effet d'entraîner l'aggravation ou la manifestation d'un état pathologique préexistant qui n'occasionnait pas par lui même d'incapacité de travail avant que ne survienne l'accident.

Or, la cour ne peut que constater que la Caisse échoue à démontrer que la lésion serait la conséquence exclusive d’une pathologie préexistante.

Si son médecin-conseil indique dans un note établie à l’intention du tribunal, que « l'affection déclarée (douleurs épaule droite) le 22 octobre 2018 par M. X est une manifestation spontanée d'une pathologie antérieure (lésion présentée lors d'un A T en

2005). Cette pathologie préexistante et évoluant pour son propre compte est donc sans lien avec les faits déclarés le 22 octobre 2018 et constitue une cause étrangère au travail », ces allégations ne sont pas de nature à exclure le rôle du travail dans la survenue de la pathologie ou sa dolorisation à défaut de fournir de précisions sur l’accident de 2005 et la nature des lésions dont auraient souffert M. X à sa suite.

Par contre, à la lecture de la fiche récapitulative des prestations fournies qu’elle produit (pièce 3), la cour constate que l’intéressé n’a bénéficié d’aucun arrêt de travail à la suite de l’accident de 2005. Ce dernier produit pour sa part deux certificats médicaux établissant que s’il a effectivement déjà souffert d’une pathologie à l’épaule, en 2013, sa blessure était à l'épaule gauche.

La Caisse ne démontre pas davantage que M. X se serait soustrait volontairement au lien de subordination l’unissant à son employeur puisque, comme il vient de l’être démontré, il a été blessé à l’occasion d’un contrôle de voyageur. Et il importe peu que le salarié « ait poursuivi le contrevenant en violation des instructions de son employeur », ce qui n’est au demeurant pas établi, ce fait ne s’analysant nullement en une soustraction volontaire d’un lien de subordination dès lors qu’il est exécuté dans le cadre des missions qui sont confiées au salarié et de surcroît dans l’intérêt de l’employeur.

Il y a donc lieu de dire que M. X a été victime d'un accident du travail le 22 octobre 2018 qui doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

 Le jugement sera infirmé en ce sens.

 Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

 En l’espèce, la Caisse qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel, étant précisé que l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

 

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous.

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/ratp-accident-travail-controleur-ratp-34777.htm

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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