Luxe - Travail dissimulé pour emploi d’une Directrice en contrat de prestation + surcharge de travail et manquement à l’obligation de sécurité = résiliation judiciaire (CPH Paris 10/10/ 2023, non def)

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Dans un jugement du 10 octobre 2023, le Conseil de prud’hommes de Paris (encadrement) a requalifié un contrat de prestation de services d’une directrice en contrat de travail salarié.

La Directrice obtient une indemnité pour travail dissimulé.

Par ailleurs, le conseil de prud’hommes prononce la résiliation judiciaire du contrat du travail de la Directrice aux motifs de « surcharge de travail et absence de réaction de la Société sont constitutives d'un manquement de l'employeur à ses obligations de sécurité vis-à-vis de ses salariés ».

Du fait de la résiliation judiciaire, la Directrice obtient le préavis, l'indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause.

La société a interjeté appel du jugement.

 

1)      Motivation du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 10 octobre 2023

Le Conseil statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi a prononcé, le 10 octobre 2023, le jugement contradictoire en premier ressort suivant ;

Fixe le salaire de Madame X à 10 666 €.

Juge la demande de Madame X de requalification de son contrat de prestation de services en CDI recevable ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame X et juge que celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société ERES à verser à Madame X les sommes suivantes :

- 31 998 € à titre d'indemnité de préavis ;

- 3 199,80 € au titre des congés payés afférents ;

- 3 111,11 € à titre d'indemnité légale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 10 666 € ;

-21 332,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-64 000,00 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

- 1 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne la remise par la société ERES à Madame X de ses documents sociaux conformes (attestation destinée à Pôle emploi et bulletins de salaire).

Déboute Madame X du surplus de ses demandes.

Déboute la société ERES de ses demandes, et la condamne au paiement des entiers dépens.

1.1  Sur la fin de non-recevoir invoquée par la société ERES

 i)                   En droit :

L'article 9 du contrat de prestation de services qui lie Madame X et la Société ERES précise : Toutes contestations qui découlent du présent contrat ou qui s'y rapportent seront tranchées définitivement suivant le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale sans aucun recours aux tribunaux ordinaires L'article L.1411-4 du Code du Travail précise que « Le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite. »

ii)                 En l'espèce :

L'article 9 du contrat de prestation ne peut être opposé à Madame X pour régler les litiges nés de sa relation de travail avec la Société ERES, cette compétence étant réservée au conseil de prud'hommes par les dispositions de l'article L.1411-1 précité du code du travail, toute convention contraire étant réputée non écrite selon les dispositions de l'article L 1411-4 du même code.

Le Conseil juge les demandes de Madame X recevables devant la présente juridiction.

1.2)            Sur la demande de requalification du contrat de prestation de services du 14 juin 2022 en Contrat de Travail salarié à Durée Indéterminée et le travail dissimulé

 i)                   En droit :

Selon l'article 12 du code de procédure civile, le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

Il est patent que le juge va devoir analyser l'ensemble des faits qui lui sont soumis comme étant des indices susceptibles de caractériser un lien de subordination.

Parmi les indices retenus par le juge pour décider de l'existence d'un contrat de travail, il est fréquent de retenir :

-          L'autorité et le contrôle de l'employeur ;

-          Les directives données au « salarié » ;

-          Le lieu et les horaires de travail ;

-           La fourniture de matériel.

L'article L8221-3 indique « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations ».

L'Article L8221-5 précise : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur.

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre Il du live ler de la troisième partie.

Enfin, l’article L8223-1 dit « en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».

ii)                 En l'espèce :

La Société ERES, en la personne de la Directrice Générale, a réalisé un entretien d'évaluation et de performance comportant deux parties : une partie « bilan d'atteinte des objectifs » avec évaluation du manager le 16 décembre alors que Madame X est sous le statut de prestataire, et une partie « projection sur les objectifs 2022 » le 3 février 2022, alors que Madame X est salariée.

Cet entretien révèle l'existence d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la Société ERES à l'égard de Madame X et ne fait aucun doute sur le lien de subordination existant entre elle et la Directrice Générale.

Madame X disposait d'une adresse mail avec le logo ERES sans qu'il ne soit fait mention de son statut d'externe.

En outre, Madame X verse aux débats les preuves que ses activités et missions étaient les mêmes en contrat de prestation de services ou en contrat salarié.

Enfin, le premier courrier fait bien apparaitre que Madame X remplace une salariée en arrêt maladie.

En conséquence,

Le Conseil requalifie le contrat de prestation de services conclu entre la société ERES et Madame X en contrat à durée indéterminée.

Le Conseil retient le caractère dissimulé du travail réalisé par Madame X avant la signature de son contrat à durée indéterminée.

Compte tenu de la demande de résiliation formulée par Madame X et de la décision du Conseil à intervenir, le Conseil condamne la Société ERES à payer à Madame X la somme de 64 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous.

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

e-mail: chhum@chhum-avocats.com

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