Prise d’acte - absence de reclassement et manquement à l’obligation de sécurité d’une responsable de Total Energies Electricité et gaz de France = licenciement sans cause (CA Paris 6-5, 14/09/23)

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Dans un arrêt du 14 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris juge que la prise d’acte d’une salariée de Total Energies électricité et gaz de France produit les effets d’un licenciement sans cause.

La Cour justifie que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause par un manquement à l’obligation de sécurité et l’absence de reclassement de Total Electricité suite à une déclaration d’inaptitude.

1)      Faits et procédure

Mme X a été engagée par la société Direct énergie, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société Total énergie électricité gaz et France (ci-après la société), par contrat à durée indéterminée à effet au 8 juin 2016, en qualité de coordinatrice back Office /éditique, statut cadre. Par avenant à effet au 1er novembre 2017, elle a été nommée responsable opérationnel partenaire. En dernier lieu, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 3 500 euros sur laquelle les parties s’accordent pour une durée de travail soumise à une convention de forfait annuel de 216 jours de travail.

Elle a présenté des arrêts de travail à compter du 1er juillet 2019, prolongés jusqu’au 3 septembre 2019. À l’occasion de la visite de reprise qui s’est tenue le 5 novembre 2019, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste et a mentionné qu’elle pouvait occuper un poste similaire dans une autre entreprise du groupe.

Par courrier du 12 novembre 2019, Mme X a dénoncé la situation de harcèlement moral qu’elle subissait et informé la société qu’elle entendait saisir le conseil de prud’hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Mme X a pris acte de la rupture de son contrat de son contrat de travail le 1er février 2020.

La société emploie au moins 11 salariés et la convention collective applicable à la relation de travail est celle du négoce et de la distribution de combustibles.

Par une première requête du 2 décembre 2019, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Par une seconde requête du 27 janvier 2021, elle a saisi le conseil de prud’hommes en paiement de diverses sommes et sollicité la jonction des deux affaires.

Par jugement du 1er juillet 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a prononcé la jonction des deux procédures initiées par Mme X, a débouté celle-ci de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société Total direct énergie la somme de 8 971,36 euros à titre de trop-perçu de rémunération.

Mme X a régulièrement relevé appel du jugement le 30 juillet 2021.

 2.1) Sur les effets de la prise d’acte :

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, ou d’un licenciement nul le cas échéant, soit, dans le cas contraire, d’une démission. La charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse sur le salarié . L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.

 Mme X explique qu’elle menait une brillante carrière au sein de la société et devait être promue au poste de responsable grand compte en juillet 2019. Dans le cadre de cette promotion, elle était déjà en charge des relations avec une société partenaire, la société W, basée au Maroc où elle a rencontré son compagnon, M. Z.

Elle soutient que celui-ci l’a informée des pratiques douteuses et illicites de leurs deux employeurs et que son supérieur hiérarchique a découvert sa liaison avec M. Z en avril 2019 lors d’un déplacement au Maroc, ses conditions de travail se dégradant à partir de là.

 Mme X demande à la cour de dire que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul en invoquant les manquements suivants :

- elle a été victime de harcèlement moral,

- elle a fait l’objet de sanctions injustifiées pour un fait relevant de sa vie privée,

- elle a connu une dégradation brutale de son état de santé psychologique,

- la société a manqué à son obligation de sécurité,

- la société a manqué à son obligation de reclassement et n’a pas mis en œuvre de procédure de licenciement.

  Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout Mme X fait valoir qu’elle a été brutalement mise à l’écart à plusieurs reprises et privée des informations nécessaires à l’exécution de ses missions après que sa hiérarchie a découvert la relation qu’elle entretenait avec un salarié de la société W, prestataire de l’employeur au Maroc. Elle présente les éléments de faits suivants :

- elle a été exclue de la procédure de communication des comptes-rendus (reporting) sur les opérations de la société W sur instruction de sa collègue Mme

Y,

- elle a été privée de toute communication avec la société W,

 - elle n’a pas eu de réponses à ses demandes d’explications,

 - les agissements délétères de Mme Y à son égard ont été dénoncés par d’autres qu’elle,

 - elle a été privée de déplacement au Maroc dans le cadre de ses fonctions (lieux

de l’établissement de la société W),

 - elle a subi un entretien humiliant et dégradant le 28 juin 2019.

 i)                   Sur l’exclusion de la procédure de communication des comptes-rendus sur les opérations de la société W sur instruction de Mme Y :

 Mme X fait valoir qu’à compter de la semaine du 21 mai 2019, après trois jours d’absence, elle n’a plus reçu aucun compte-rendu des activités de la société W, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant alors que ces comptes-rendus étaient indispensables à l’accomplissement de ses fonctions et qu’en qualité de responsable grands comptes, poste auquel elle devait être nommée officiellement le 1er juillet 2019, elle avait notamment pour fonction d’analyser l’activité de cette société. Elle s’appuie sur son mail du 21 mai 2019 adressé à Mme O et la réponse de cette dernière lui indiquant qu’elle avait continué à adresser le récap de la relance convention tripartite quotidiennement et l’invitant à prendre contact avec une personne prénommée Imène, dont la cour relève qu’il s’agit de Mme Y. Elle s’appuie également sur un mail de celle-ci en date du 12 juin 2019 par lequel elle transmet à la salariée un point sur la relance des conventions tripartites au 11 juin 2019.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

e-mail: chhum@chhum-avocats.com

www.chhum-avocats.fr

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