Salariés, cadres, cadres dirigeants - lanceurs d’alerte : panorama de jurisprudence 2022/ 2023.

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Les juges ont eu, maintes fois, l’occasion de se prononcer sur les conditions du régime protecteur des lanceurs d’alerte (I), mais aussi sur les effets de ce régime protecteur (II).

Nous vous proposons de faire un point sur la jurisprudence rendue en matière de lanceurs d’alerte en 2022 et en 2023.

I. Conditions du régime protecteur des lanceurs d’alerte.

12) Condition non obligatoire de la graduation de la procédure d’alerte dans le cas d’un signalement de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime et la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés et non pas de leur absence d’établissement : Cass. Soc., 15 février 2023, pourvoi n°21-20.342.

Une salariée engagée en qualité de surveillante de nuit au sein d’une maison d’enfants à caractère social, a opéré un signalement à l’inspection du travail afin de dénoncer des incidents se déroulant la nuit, dont des agressions sexuelles commises entre les enfants accueillis par l’association.

Le signalement a ensuite été redirigé au procureur de la République pour ouvrir une enquête pour agression sexuelle sur mineurs. Celle-ci n’ayant pas aboutie, une seconde enquête est ouverte visant la salariée et un délégué syndical pour dénonciation mensongère. Faute de caractérisation suffisante de l’infraction, cette enquête est elle aussi, classée sans suite.

Dès lors, par lettre du 31 janvier 2019 la salariée est licenciée.

Par conséquent, la salariée saisit les juridictions prud’homales pour demander la nullité de son licenciement, estimant que celui-ci est en lien avec la dénonciation des manquements constatés au sein de l’établissement.

Ainsi, par un arrêt rendu le 4 juin 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence prononce la nullité du licenciement et ordonne la réintégration immédiate de la salariée à son poste au sein de l’association.

L’employeur se pourvoit donc en cassation sur le fondement de l’article L1132-3-3 du Code du travail interprété à la lumière de l’article 10 de la CEDH.

En effet, l’employeur considère que la salariée n’a pas respecté la procédure graduée de l’alerte qui subordonne la saisine directe d’une autorité judiciaire ou administrative, soit à l’absence de réaction de l’employeur à un signalement interne, soit à la preuve d’un danger grave et imminent ou d’un risque de dommages irréversibles. À cet égard, la salariée a adressé un courrier d’alerte interne à l’inspectrice du travail quand bien même elle était informée que cette alerte avait été traitée par la direction, laquelle avait procédé à une enquête qui avait révélé la pratique de jeux à connotation sexuelle par les enfants, sans abus ni agression sexuelle. Par conséquent selon l’employeur, la salariée a dissimulé le traitement interne de son alerte à l’inspectrice du travail.

Par ailleurs, sur le fondement de l’article 10 de la CEDH, l’employeur considère que la salariée a divulgué des informations mettant en cause la réputation d’autrui sans avoir vérifié au préalable si elles étaient exactes et dignes de confiance.

Enfin, l’employeur avance que la salariée ne peut se prévaloir du statut de lanceur d’alerte, car elle a dénoncé de mauvaise foi les faits en question, car elle a elle-même reconnu dans les procès-verbaux, n’avoir jamais constaté elle-même de faits d’agression sexuelle, ni les faits dénoncés sur le courrier d’alerte interne.

La question qui se pose à la Cour de cassation est alors la suivante : Un salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance, est-il tenu de respecter la procédure graduée de l’alerte pour bénéficier du régime de protection ?

La chambre sociale de la Cour de cassation répond par la négative, sur le fondement de l’article L1132-3-3 du Code du travail.
En effet, selon la Cour de cassation :

« Le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions n’est pas tenu de signaler l’alerte dans les conditions prévues par l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 organisant une procédure d’alerte graduée et, d’autre part, qu’il ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».

Ainsi, la Cour de cassation décide que la protection du salarié qui dénonce des faits susceptibles de constituer des agressions sexuelles n’est conditionnée seulement à sa bonne foi, et non pas aux conditions supplémentaires posées par les articles 6 à 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 et souligne qu’elle a agi seulement dans un souci de protection d’enfants.
Dès lors, le pourvoi formé par l’employeur est rejeté par la Cour de cassation.

Source : Cass. Soc., 15 février 2023, pourvoi n°21-20.342.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.village-justice.com/articles/lanceurs-alerte-panorama-jurisprudence-2022-2023,48737.html

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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